Découvrez les papillons bruxellois au Kauwberg
Une vaste enquête
régionale a débuté en 2006 pour établir l’inventaire des papillons
bruxellois. S’il est difficile de distinguer une plante d’une autre ou un
oiseau passereau d’un autre, la détermination des papillons de jour est
moins compliquée pour deux raisons : leurs couleurs souvent éclatantes et
leur nombre limité. Une petite trentaine de papillons sont susceptibles
d’être trouvés à Bruxelles. Aussi, avec d’autres associations et habitants
de la Région, nous sommes nous lancés dans le projet en 2007, à la suite
de sa présentation au Centre Paul Duvigneaud en mars. La carte ci-dessus
était alors très pâle au sud de Bruxelles, et les nombreuses observations
réalisées à Uccle, au Kauwberg et dans ses environs ont donné le résultat
que vous avez sous les yeux.
Cette carte a été
établie par l’Inbo (Instituut voor Natuur en Bosonderzoek) à la demande de
l’IBGE qui lui a confié la mission d’établir l’inventaire bruxellois qui
devrait paraître en 2009.
Cette année est donc
l’occasion de parfaire et préciser les données de l’an passé.
Les
photos et dessins de cette revue sont en noir et blanc, vous trouverez les
papillons en couleurs sur www.kauwberg.be/papillons.htm
La diversité des milieux :
prairies pâturées, landes herbeuses, ronciers de lisière, champs d'orties,
bois, sous-bois et potagers font en sorte que la plupart des papillons
recensés en région Bruxelloise sont présents au Kauwberg. Sait-on
suffisamment que les chenilles de plusieurs de ces papillons sont
étroitement liées à une plante hôte que l'on a tendance à faire
disparaître de nos jardins : l’ortie. Et que la suppression des orties
fait disparaître ces beaux papillons ! Chaque papillon ayant sa -ou ses-
plantes hôtes (nourricières) où se développent ses chenilles, la
disparition d'une espèce végétale ou la modification du couvert végétal a
une influence directe sur sa présence ou sa disparition. Une bonne gestion
du Kauwberg devrait permettre de restaurer sa biodiversité, mais elle se
fait attendre....
En attendant chacun peut aider au
maintien de la biodiversité en rendant son jardin accueillant pour les
papillons et pour la biodiversité en général. Quelques conseils à ce sujet
vous sont proposés en fin de ce dossier.
Depuis quelques années certains
papillons se font plus rares. L'utilisation des insecticides et herbicides
en serait-elle la cause ? Si par bonheur vous observiez l'un de ceux-ci,
communiquez-nous vos observations en précisant si possible leur
localisation afin que nous puissions confirmer votre observation et tenter
de photographier l'insecte.
Faisons l’inventaire des 20
papillons de jour (sur les 28 papillons recensés à Bruxelles) observés au
Kauwberg. Nous vous les présentons par groupe de couleurs.
La famille des papillons "blancs"
est représentée par 4 espèces, parfois difficiles à distinguer, surtout au
vol : l'Aurore, la Piéride du choux, la Piéride de la rave et la Piéride
du navet (trois plantes de la famille des crucifères). Les piérides volent
de façon presque continue à la recherche de partenaires, de nourriture et
de la plante hôte pour ses chenilles.
l'Aurore
(Anthocharis
cardamines), papillon
aussi appelé cardamine car cette fleur des prés humides est, avec
l'alliaire, la principale plante nourricière de sa chenille. C'est un
papillon printanier qui s'observe dès le mois de mars mais qui disparait
en été. Le mâle est plus facilement reconnaissable avec ses taches
orangées aux ailes.
La
Piéride du
choux (Pieris
brassicae) est la plus
grande de nos piérides. Ses ailes sont brodées de veines bien noires (plus
discrètes, grisâtres pour l’espèce suivante, Pieris rapae).
Piéride de la
rave (Pieris
rapae)
, dont la chenille se
nourrit de différentes crucifères, dont les choux cultivés. Comme les deux
autres espèces de Pieris de chez nous, elle vole en deux
générations : une printanière et une estivale.
La
Piéride du
navet (Pieris
napi) est une petite
piéride reconnaissable aux veines foncées qui marquent ses ailes tant au
repos qu'étalées.
Quelques beaux papillons colorés de rouge et d'orangé (famille des
Nymphalidés)
Le
Paon du jour
(Inachis
io) hiberne à l'abri,
parfois dans les maisons. Il se réveille au printemps, dès les beaux jours
et pond sur les orties où sa chenille vit en colonie. Les adultes nés de
l'année volent à partir de juillet, hivernent et se reproduisent au
printemps qui suit. L’intérieur des ailes est rouge-bordeaux foncé et
marqué de 4 ocelles bleutées
Vulcain
ou Amiral (Vanessa
atalanta). Les papillons
que nous observons chez nous proviennent soit de souche indigène, soit
d'individus migrateurs. Ces derniers remontent du sud lors des périodes de
fortes chaleurs. Les adultes hivernent. Les chenilles se nourrissent de
feuilles d'orties. En automne, les papillons recherchent les fruits
fermentés tombés au sol. L’intérieur des ailes est noir profond, ceinturé
d’orange vif et taché de blanc
Belle Dame
ou Vanesse du chardon (Vanessa
cardui).
Ce papillon est migrateur; sa
chenille se développe sur les chardons (d'où son nom) mais aussi sur
d'autres plantes telles que les orties,...
L’intérieur des ailes est orange
pâle, bordé de gris-noir, taché de blanc
Le
Robert le
diable (Polygonia
c-album : le "c" blanc de
son nom est visible lorsque ce papillon ferme ses ailes) est un papillon
qui se rencontre à partir du mois de mai.. Il a un cycle biologique en
deux générations la première printanière (mars-avril) et la seconde
estivale (juin-octobre). Les chenilles se développent sur l'ortie et le
houblon. Dans tous les cas le papillon adulte (imago) hiverne.
L’intérieur des ailes est orangé
Les papillons suivants qui étaient pourtant courants il y a quelques
années se font plus rares
La
Petite tortue (Aglais
urticae), comme son nom
latin l'indique, ne vit que de l'ortie où se développent ses chenilles. Il
hiberne l'hiver. Protéger les orties et en laisser subsister est vital
pour ce papillon très présent dans les friches. L’intérieur des ailes est
orangé, bordé de taches bleues.
La
Carte
géographique (Araschnia
levana) doit son nom aux
dessins du dessous des ailes. La chenille se nourrit d'orties. Les œufs
sont pondus l'un sur l'autre et forment des entassements filiformes sur
les feuilles de la plante nourricière. Deux générations : une printanière
dont le dessus des ailes est orangé, et une estivale, dont les ailes sont
brunes-noires. Parfois une troisième génération certaines années chaudes
en automne dont les dessins sont intermédiaires aux deux générations
normales.
Trois autres papillons plus
discrets, de la sous-famille des Satyrinés sont souvent abondants au
Kauwberg. Ils ont plusieurs points communs : ils sont courants, leur
couleur dominante est le brun, leurs chenilles se développent sur les
graminées des prairies et des friches.
Le
Tircis
(Pararge
aegeria), est observable
dès fin avril car il hiberne sous forme de chrysalide qui se métamorphose
dès les premiers beaux jours du printemps. Deux générations, dont les
chenilles raffolent d'herbes (chiendent et autres graminées) se succèdent
sur l'année, une au printemps, l'autre en été. On observe souvent le vol
d'une paire d'individus. Il ne s'agit pas de la parade nuptiale entre un
mâle et une femelle mais de combats territoriaux entre mâles… On peut
aussi qualifier le Tircis de papillon
entre ombre
et lumière car les mâles
défendent bravement leur petit rayon de soleil. On les rencontre donc
souvent dans les sous-bois clairs, les parcs, les jardins.
Le
Myrtil (Maniola
jurtina) est observable
de juin à septembre
Sa chenille hiberne, enterrée
dans le sol, et se chrysalide au printemps après un bon repas de jeunes
herbes fraîches. Il peut voler en grand nombre dans les zones herbeuses ou
dans la grande prairie à vaches du Kauwberg.
Le
Tristan
(Aphantopus
hyperantus) vole de juin à
août. La chenille apprécie les graminées et hiverne dans le sol. Les
adultes volent autour des ronciers où ils butinent et y disparaissent par
moment sous les tiges épineuses. Le revers de ses ailes est marqué d'un
nombre variable de points (ocelles). L'intérieur des ailes est foncé; il
compte de 2 à 8 ocelles chez les femelles et aucune chez les mâles.
L'Amarylis
(Pyronia
tithonus) vole en
juillet-août.
Son écologie est semblable aux
précédents si ce n'est qu'il butine parfois les arbres à papillons des
jardins et potagers. Le revers de ses ailes est marqué d'une ocelle noire
marquée de deux points à l'extérieur des ailes supérieures et de petites
ocelles brunes ponctuées de blanc aux ailes inférieures
le
Machaon ou
Grand Porte-queue (
Papillio
machaon) est un magnifique
papillon coloré qui pond de superbes chenilles colorées se développant sur
les ombellifères . Dans les potagers, elles affectionnent le feuillage des
carottes, fenouil et aneth. La chenille à points orangés se strient de
vert avec l’âge.
Deux "petits bleus" ou azurés fréquentent régulièrement notre région
bruxelloise
L'Azuré
des parcs (Celastrina
argiolus) est un papillon
vif et discret, presque blanc-gris lorsque ses ailes sont repliées et ne
montre sa couleur bleue qu'ailes déployées, lorsqu'il vole en hauteur,
passant d'un jardin à l'autre en ville. La génération estivale de ce joli
papillon pond ses œufs sur les bourgeons et boutons floraux des lierres
alors que la génération de printemps se contente de divers arbustes (cornoulillers,
houx, robiniers). Il hiverne sous forme de chrysalide accrochée aux
feuilles (et donc se doit de choisir une plante arbustive ne perdant pas
ses feuilles en hiver…).
L'Azuré
commun (Polyommatus
icarus) a le revers brun
et l’intérieur des ailes d’un beau bleu chez le mâle, plus discret chez
les femelles. Il pond sur de nombreuses plantes basses de la famille des
légumineuses (trèfles, lotiers, etc.). Sa chrysalide attend le printemps
dans la litière du sol.
Les Hespéries sont de petits
papillons orangés au gros abdomen.
La
Sylvaine (Ochlodes venata)
pond sur l'herbe et fréquente les ronciers avoisinants.
L'Hespérie
du dactyle
(Thymelicus
lineola) espèce estivale
dont la chenille se nourrit de graminées a le bout des antennes orangée,
ce qui le distingue de la
Bande noire
(Thymelicus
sylvestris ), une autre
espèce très proche au bout des antennes noir.
Les deux espèces volent
communément ensemble.
Une dernière famille de papillons
orangés est celle des Théclas et Cuivrés.
Le
Cuivré
commun (Lycaena phlaeas) a
pour plantes hôtes les oseilles sauvages ou rumex.
Des papillons
« de nuit » volent aussi le jour.
Le
Moro sphinx
(Macroglossum
stellatarum ) est un
nouveau venu depuis 2003, témoin du réchauffement climatique (?), le
sphinx « colibri » butine tout en volant sur place.
Le
Lambda (Autographa
gamma) est une noctuelle
caractérisée par la lettre grecque qui marque ses ailes. La
Pyrale
pourprée est un petit
papillon brun rouille aux taches jaunes. On peut observer de nombreuses
autres pyrales aux couleurs claires, plus ou moins transparentes qui
volent brièvement et filent se cacher sous une feuille.
Le
Minime a
bandes jaunes ou
Bombyx du
chêne (Lasiocampa
quercus) est un papillon
qui apparaît vers la fin de l’été. Le mâle s’observe souvent en journée,
volant à la lisère des fourrés d’un coup d’aile rapide, changeant
fréquemment de direction.
Une anecdote à son sujet confiée
par Robert K. dont le papa travaillait à l’Institut des Sciences
Naturelles et étudiait alors les effets des phéromones sur les papillons
mâles. Il avait ramené une chenille de Bombyx à son domicile, chemin du
Puits, qui a donné naissance à un adulte femelle qu’il disposât dans une
cage adaptée aux papillons, mais rien ne se passait, aucun prétendant ne
se présentait. Il rangeat la boîte dans sa mallette pour se rendre à
l’institut, empruntant, comme à l’habitude le train qu’il prenait à la
gare de Calevoet.
C’est là qu’il fut subitement
intrigué par le regard des autres passagers attendant le train : tous le
regardaient avec étonnement. Il se rendit alors compte que les phéromones
de sa femelle de Bombyx avaient agit et qu’une petite nuée de papillons
mâles tournoyaient autour de sa mallette et de son trésor.
Les papillons de nuit sont dix
fois plus nombreux que ceux de jour. Aussi lorsqu’on trouve une chenille
dans la nature, c’est neuf fois sur dix une chenille de papillon de nuit
et un fois sur dix celle d’un papillon observable de jour…
chronologie
de la première apparition en année "normale"
(2007 a
eu un mois d'avance !)
des
papillons observés à Uccle.
Il s’agit de
l’apparition de la première génération, les papillons qui ont plusieurs
générations disparaissant momentanément, le temps du développement de leur
chenille, de sa transformation en chrysalide et réapparaissent à la
naissance de l’imago ou papillon adulte. Ces indications peuvent aider à
leur détermination.
début
mars : |
Aurore, Petite Tortue, Paon
du jour, Robert-le-Diable |
avril : |
Tircis, Azuré commun, Azuré
des parcs,
Piéride du Navet, Carte géographique |
mai : |
Piéride du Choux, Piéride
de la Rave, Vulcain,
Cuivré commun, Machaon |
juin : |
Myrtil, Tristan, Belle-Dame,
Sylvaine |
juillet : |
Amaryllis, Hespérie du
dactyle |
Des mesures pour les papillons des villes
Les jardins de la Région
représentent le plus grand espace vert bruxellois. Si ceux-ci deviennent
tous accueillants pour les papillons, c’est la biodiversité régionale qui
en profitera. Les plantes exotiques sont décoratives, mais n’hébergent pas
les insectes indigènes. Les jardins "propres
et nets" sont souvent des
déserts biologiques qui rendent la vie des insectes impossible. Un jardin
géré d’une façon différente peut devenir une réserve naturelle de
quartier, pleine d’animation, de couleurs et de vie, et surtout un lieu de
survie de la faune et de la flore sauvage.
Grâce aux habitants conscients de
cette importance de l’accueil de la biodiversité au jardin, on rencontre
paradoxalement plus de papillons en ville que dans certains villages des
zones agricoles. Cela s’explique aisément par les pratiques de
l’agriculture intensive qui recourent aux engrais et pesticides.
Quelques
mesures pour rendre votre jardin accueillant :
* bannir les pesticides de son
jardin. Les herbicides détruisent de nombreuses « mauvaises herbes » qui
servent de nourriture aux chenilles des papillons. Une pelouse sans
herbicide sélectif sera naturellement fleurie de Pissenlits, Trèfles,
Lierre terrestre, et même de Cardamines dans les terrains frais. Les
insecticides tuent directement les insectes, sans discernement. Tout en
égayant notre environnement de leurs couleurs, les insectes pollinisent
nos arbres et arbustes fruitiers et servent de nourriture aux oiseaux.
Les jardins sans pesticides participent ainsi directement au maintien de
la biodiversité urbaine .
Une « semaine sans pesticides » a
été organisée pour la première fois en Wallonie cette année. Les
jardiniers bruxellois sont tout autant concernés et nous espérons que
cette initiative, française à l’origine, sera relayée par les autorités
bruxelloises l’an prochain.
* Choisir des plantes
ornementales mellifères.
La floraison des plantes attire
non seulement les insectes comme les abeilles et bourdons, mais aussi les
papillons adultes qui trouvent sur les fleurs de la nourriture énergétique
(le nectar) et protéinée (le pollen) qui sont nécessaires à leur
reproduction et au développement des œufs. Quelques fleurs sont
particulièrement attirantes pour nos papillons :
il y a bien sûr le Buddleia (le fameux arbre à papillons) qui devient vite
envahissant et nécessite une taille sévère, annuellement, le presqu’aussi
mellifère et attractif Solidage aux grappes de fleurs jaune or, les
odorantes Lavandes, les plantes aromatiques à fleurs allant du bleu au
violet : Thym, l’Origan, la Sauge, les Menthes. Dans les plate bandes, on
plantera des Primevères, Lobélias, Oeillets des poètes, Phlox, Dahlia,
Giroflées, etc. Parmi les plantes sauvages aux qualités ornementales,
pourquoi ne pas laisser une petite place à l’Eupatoire chanvrine aux
fleurs rosées, aux Séneçons, Reine des prés, et au Lierre ?
* Laisser une place à la nature
sauvage,
un coin de jardin
à l’abandon
où quelques orties auront leur place et serviront de plantes hôtes aux
chenilles de nos papillons colorés. Ne pas remplir immédiatement les sacs
verts lors du nettoyage du jardin. Les herbes séchées, les débris végétaux
et les petites branches taillées seront stockées dans un coin du jardin
pour permettre aux chenilles et chrysalides qui s'y trouvent peut-être de
se mettre à l'abri ou de finir leur développement. Ces déchets seront
ensuite compostés au jardin ou au centre régional de compostage qu’ils
rejoindront par l’intermédiaire des sacs verts.
* Le jardin sera encore plus
attractif aux papillons et aux insectes en général si on leur offre le
gîte pour l’hiver : un vieux lierre, un tas de feuilles mortes, un
empilement de bûches de bois, sont autant d’abris hivernaux pour les
insectes. On a ainsi découvert un magnifique paon du jour sous une litière
de feuilles lors du nettoyage du Kauwberg; il
pourrait de même se cacher dans nos jardins…