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kinfo
51 HIVER
Table des matières
(en minuscule les titres dont le contenu n'est pas repris sur ces pages)
Éditorial
: la mémoire du plateau Engeland
Camille :
du Kauwberg au plateau Engeland
Historique
du plateau Engeland
Mémoire d'un ancien du
quartier
Souvenirs
d’Engeland
Ballade
au Engeland
Le vrai nom
de la ZVHB : Het Tetteken Elst
Agenda du Kauwberg : voir actualités
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Editorial
- la mémoire du plateau
Engeland
Voisin du Kauwberg, le plateau Engeland sera l’objet
d’une nouvelle enquête publique, début 2004. Celle-ci tiendrait
compte des considérants que nous avons publiés dans le Kauwberg Info
50 de cet automne. Le nombre de logements serait réduit à environ
300
Mais est-ce suffisant ?
Le plateau Engeland ne mériterait-il pas d’être
mieux protégé ?
A SOS Kauwberg, nous pensons que ce coin méconnu d’Uccle
doit être préservé de la voracité de la promotion immobilière. Le
PRD II a défini la haute valeur biologique du plateau mais d’obscurs
équilibrages ont abouti à ce qu’une partie seulement de ces zones
à haute valeur biologique du plateau a été mise en zone verte par
le PRAS. D’aucuns n’hésitent pas à penser que le PRAS a été
élaboré sur mesure pour permettre le lotissement du plateau
Engeland.
D’autant que le plateau Engeland était méconnu
de la population alors que, tout comme le Kauwberg, il fait partie de
notre patrimoine ucclois.
Il a longtemps été oublié des promoteurs, coincé entre le
cimetière,
l’institut Pasteur (ancien Haras Brugmann) et le chemin de fer.
Pour pallier cette méconnaissance, nous vous
proposons dans cet épais
numéro du Kauwberg Info de débroussailler la mémoire de cet espace
semi-naturel, la mémoire de la vie dans ce coin d’Uccle, il n’y a
pas si longtemps, avant la bruxellisation... Nous faisons ainsi une
large place aux habitants du quartier et aussi à des anciens dont les
souvenirs ont été ravivés par la promenade guidée organisée par
le Cercle d’Histoire d’Uccle à laquelle nous avons collaboré
pour les aspects nature.
Le plateau Engeland doit être protégé,
parce qu’il le vaut bien …
|
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page
Camille : du
Kauwberg au plateau Engeland
Camille
Van Vlierberghe est connu de nombreux ucclois et amoureux de la nature.
D’abord parce qu’il vous propose d’acheter
fleurs, plantes et légumes à repiquer dans votre potager tous les
lundi au marché de Saint-Job (sur la photo ci-conte fin décembre
2003). Après avoir passé la matinée au marché, Camille repart à
pied, comme il a l’habitude de circuler dans Uccle pour se rendre vers
le cimetière où il va rendre une visite à ceux qu’il a aimé.
Il n’y a pas loin du cimetière aux
prairies du Kauwberg, c’est ainsi qu’on retrouve Camille au Kauwberg
pour abreuver les vaches qu’un fermier de halle vient y faire paître
à la bonne saison. Chaque jour, de mai à octobre ou novembre, selon la
précocité de l’hiver, Camille se rend au Kauwberg pour remplir les
baignoires et autres grands bacs qui servaient d’abreuvoir aux vaches.
L’eau provient du robinet extérieur de Lucien Rétif, voisin de la
prairie des vaches
Enfin parce que Camille a, gamin,
habité une petite ferme au plateau Engeland jusqu’en 1942. Cette
ferme était occupé par ses parents qui avaient eux-même repris l’exploitation
et les bâtiments de leurs parents. Ils louaient alors la ferme au
propriétaire terrien du plateau, le Baron Brugmann dont le Haras se
trouvaient plus haut (il existe toujours et est devenu la ferme qui se
trouve derrière les deux immeubles de l’Institut Pasteur).
La
ferme est visible sur la photo ci-contre qui date de 1913. En 1942,
lorsque la famille Van Vlierberghe dut quitter les lieux ceux-ci n’avaient
guère changés. Le dessus du plateau était couvert de champs de blés
cultivés par le paysan du coin les « passant » (coin
supérieur droit de la photo), le cimetière d’Uccle n’avait pas
encore été construit et le relief n’avait pas encore été modifié
par les terrassements effectués à cette occasion (son futur
emplacement occupe la gauche de la photo où la petite pointe dans la
ligne des frondaisons pourrait correspondre au séquoia du parc de la
Sauvagère.
Dans les années 30 des granges ont
été construites de l’autre côté pratiquement en face de la
fermette et n’apparaissent pas sur cette photo de 1913.
Les fermettes construites sur le
plateau n’avaient pas d’étage, les chambres étaient directement
sous le toit, sans fenêtre.
Peu de temps après leur départ la
ferme a été abandonnée, puis aurait été occupée quelque temps par
« Jeanne » qui est partie de là pour aller ouvrir une ferme
dans le bas de l’avenue Dolez, juste avant la rue de Percke. Cette
ferme aussi en ruine aujourd’hui jouxte le bois de Verrewinkel et le
terrain de football.
La
maison s’est alors dégradée peu à peu. Certains matériaux (dont
des briques, tuiles, poutres et planchers) ont sans doute été
récupérés par des voisins, ce qui explique que le trou de la cave
soit pratiquement intact.
Les ruines de cette ferme sont
toujours visibles et nous les avons montrées lors de la visite du
Cercle d’Histoire d’Uccle et les avons photographiées lors de
promenades. |
Historique
du plateau Engeland.
Le plateau Engeland a fait couler pas mal d’encre
dans les actualités récentes. Remontons quelque peu le temps pour
connaître le passé de ceux qui habitaient jadis sur ces terres
convoitées aujourd’hui par les promoteurs immobiliers.
Uccle est née du sein même de la forêt, de l’antique
forêt charbonnière qui couvrait la Gaule. Au XVe siècle, celle-ci
approchait encore les rives de la Senne.
Le territoire d’Uccle, sous l’ancien régime, est
constitué du village ducal d’Uccle, des seigneuries de Carloo et de
Stalle et d’une partie de la forêt ducale de Soignes. Sur la carte d’Everaert
de 1750(1), nous situons ces différentes zones et remarquons que le
plateau Engeland fait partie de la Seigneurie de Carloo. Le site est
encore tout à fait boisé et la forêt ducale de Soignes forme une
excroissance sur la carte qui vient s’intercaler dans le territoire
ucclois. Cette limite épouse plus ou moins le vallon du Kinsenbeek qui
longe le cimetière de Verrewinkel au nord du plateau Engeland. La carte
de Ferraris de 1770 (2) reproduit également cette limite de la forêt
de Soignes. Les bornes de la forêt de Soignes ont une importance
particulière pour Uccle puisqu’elles constituent une limite
juridictionnelle et fiscale entre le domaine de Carloo et le domaine
ducal.
En 1794, le régime français va transformer
radicalement nos institutions. L’organisation administrative et
judiciaire va s’appuyer sur les principes révolutionnaires de la
souveraineté du peuple, la liberté et l’égalité des citoyens. En
dépit de leurs droits féodaux les deux seigneuries de Carloo et de
Stalle cessent d’exister pour former une entité communale avec le
village d’Uccle. La nouvelle administration repose sur le système
électoral et est confiée à un corps municipal et à un maire. C’est
le système qui est encore en place actuellement.
La forêt de Soignes est devenue domaine de l’Etat
et le plan de Demortier de 1812 (3) n’englobe encore aucune partie de
la forêt de Soignes dans le territoire communal. La situation va
changer en 1822, lorsqu’en vue de son défrichement, la forêt devint
la propriété de la Sté Générale des Pays-Bas. Cette société se
voit dotée par Guillaume 1er de biens domaniaux pour
constituer son capital. Moyennant le paiement au roi de 500.000 florins
par an, la Sté Générale acquiert la libre disposition de la forêt.
Celle-ci qui contenait 10.000 ha en 1822 , n’en comptait plus que 4386
ha vingt ans plus tard. Les terres avaient été vendues et converties
en terre agricole.
Sur
le plan de Vandermalen (1830-1837)(4), la forêt est incorporée à la
commune d’Uccle qui s’agrandit de tout le territoire situé à l’ouest
de la chée de Waterloo et sis entre le Vert Chasseur et la petite
Espinette.
Au début du XIXe siècle, le défrichement s’intensifie,
les habitations qui au début se groupaient dans les vallées autour du
manoir vont s’étendre le long des voies de communication et donner
naissance à des hameaux.
Sur le plateau, entre le vallon du Geleytsbeek et du
Linkebeek se trouve le hameau du Engeland. Ce mot viendrait de engel
(moyen néerlandais) signifiant prairie. Presque tous les bois qui
bordaient le chemin vers Verrewinkel (rue Engeland) ont été dérodés
entre 1810 et 1837, une vingtaine de fermettes furent construites.
Quant au hameau de Verrewinkel ( verre= loin, winkel=
coin), il est encore entouré des bois de la forêt de Soignes dont on
retrouve la trace au bois de Verrewinkel.
La construction de la chaussée de Saint Job est
entreprise entre 1850 et 1867; en 1867 on commence à paver la rue
Engeland. Entre 1870 et 1914, la population d’Uccle s’accroît
fortement, les habitants des faubourgs de Bruxelles ville viennent se
fixer à Uccle.
En 1872 fut construite l’avenue Dolez, pour
désenclaver le hameau de Verrewinkel fort mal relié au centre de la
commune.
De 1925 à 1929 fut construite la ligne de chemin de
fer Halle-Schaerbeek qui coupe le territoire de la commune d’est en
ouest et isolera la partie sud d’Uccle par cette frontière. La rue
Engeland est alors coupée et depuis son tracé a subi une déviation
pour passer sous le pont du chemin de fer, la rue décrit ainsi une
boucle pour remonter par une pente assez raide et rejoindre son
alignement. Il en va de même pour le chemin du Puits qui est aussi
coupé par le chemin de fer et forme une boucle pour passer sous le
pont.
Au XIXe siècle, Uccle était un village de petites
exploitations agricoles. La plupart des fermes importantes continuent à
être exploitées (Ferme St-Éloi, Hof te Homborch..) Le sud de la
vallée du Geleytsbeek constitue une zone agricole jusqu’au XXe
siècle. Les très petites exploitations sont nombreuses et on en trouve
encore la trace rue Engeland où il restait encore deux petites
exploitations de quelques vaches dans la première moitié de ce
siècle. Sur le plateau les cultures de céréales et de pommes de terre
côtoient les pâturages. Des vergers sont implantés sur les coteaux
exposés ainsi que des potagers. Les vergers sont plantés notamment du
cerisier de Schaerbeek qui servait à la confection de la Kriek, une
bière bien bruxelloise. Les habitants récoltaient les cerises et les
vendaient aux brasseurs locaux. C’est pourquoi dans les environs on
retrouve la cerise dans le patronyme de Kriekenput, rue des bigarreaux,
square des Merises, qui font référence à ce temps où les pentes des
coteaux au printemps s’illuminaient de la blancheur des cerisiers en
fleur.
Les terres du plateau appartenaient à la famille
Brugmann, et étaient louées à de très petits exploitants. Sur l’emplacement
de l’Institut Pasteur se trouvait le haras Brugmann avec tous ses
prés alentours où paissaient les chevaux. Quelques vieilles
chaumières étaient encore habitées au début de ce siècle et on peut
encore observer les traces de ces trois ou quatre bâtisses sur le
plateau Engeland. On peut encore y distinguer quelques murs et caves
effondrés et une végétation particulière qui poussent sur ces
emplacements, les restes des vergers qui entouraient la maison, cerisier
de Schaerbeek, pommiers ou poiriers redevenus sauvages ou pruniers. Une
haie de charmes très ancienne et remarquable qui devait délimiter la
propriété et était taillée en cépée d’où le
« charme » particulier de ces charmes aux troncs tordus qui
hébergent aujourd’hui les cabanes des enfants.
Comme l’urbanisation a été plus tardive aux
confins sud de la commune, le paysage a conservé cet air rural et
bucolique sur de grandes étendues comme le Kauwberg ou le plateau
Engeland. Ces terrains jadis cultivés ou pâturés sont restés en
friche pendant une trentaine d’années et sont devenus aujourd’hui
ces superbes espaces semi-naturels où la nature a repris ses droits,
paradis pour la faune et la flore locales. De tels espaces se font
rares, en effet partout la terre est exploitée, rentabilisée, les
champs, les prés, les bois, tout porte la main de l’homme, rares sont
les sites où les espèces peuvent proliférer à leur guise.
C’est pourquoi ces paisibles espaces privilégiés,
qui plus est en milieu urbain, nous avons le devoir de les protéger, d’en
maintenir la biodiversité pour les transmettre aux générations
futures.
Pour le comité Engeland/Puits
Thérèse Verteneuil
Sources :
-Une
commune de l’agglomération bruxelloise. Uccle
Tome I Géographie, Histoire du moyen âge et des temps modernes.
ULB Institut Solvay 1958
-Tome II Géographie Humaine , Histoire
contemporaine, enquête sociographique, étude socio-biométrique. ULB
1962
-Evolution territoriale d’Uccle. Esquisse
historique, folklorique et archéologique. Par Henri Crokaert. Ed.
Commune d’Uccle avril 1958.
Carte
d’Everaert de 1750
carte de Ferraris 1770
plan de Demotier 1812 1816
plan de Vandermalen 1830 1837
Photo de la dernière chaumière du plateau Engeland
(vers 1975) |
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Mémoires d’un
ancien du quartier Engeland
L’autre
jour j’ai découvert dans le tiroir aux souvenirs une photo jaunie de
mon père tenant par la bride ses deux chevaux de trait. La scène se
passait en 1929 sur le plateau du Engeland, au temps où le plateau
était couvert de champs et de prairies.
Mes parents ont tenu une épicerie boucherie au
numéro 436 de la rue Engeland et j’ai repris ce commerce jusqu’en
1972. Je suis devenu l’ancien de ce quartier que j’ai arpenté en
culottes courtes.
Jadis le coin était champêtre, c’était la
campagne ! Deux petites fermes dont la ferme Berghmans nous
procurait le lait , le beurre et les œufs et quelques vaches paissaient
sur les prés du plateau.
Toutefois on y buvait plus de bière que de lait car
la rue ne comportait pas moins de six cafés.
Comme dans tous les coins de Bruxelles, avant l’aire de la
télévision, les cafés étaient un rendez-vous convivial pour les
habitants qui s’y rencontraient devant un lambic une gueuze ou une
kriek.
Un des habitants avait un cochon apprivoisé qui
accompagnait son maître au café. Il buvait dans le seau qui
recueillait les fonds de verres. On pouvait voir alors les deux
compères rentrer au bercail en zigzaguant le long de la rue Engeland.
Du côté pair de la rue Engeland, juste avant les
maisons de Cobralo, il y avait un café et un jeu de boules ou de palets
dans le jardin. C’est pourquoi l’arrière de la maison présente
encore un bâtiment en longueur dans le jardin. Le dernier café qui a
subsisté, chez " Wakergom ", se trouvait juste avant le
pont au carrefour.
Les habitants du quartier pouvaient s’approvisionner
dans deux épiceries et une cordonnerie occupait le numéro 367.
Entre la rue Engeland et le chemin du Puits, une
bande de terrain fut réquisitionnée pendant la guerre en 1939 pour y
construire un poste militaire antiaérien. Un baraquement a longtemps
occupé les lieux ainsi qu’un bunker qui n’ont jamais été
utilisés par la défense antiaérienne. Après la guerre ce terrain
faisait le bonheur des clubs sportifs, notamment un club de basket
féminin dont mon épouse faisait partie encore en 1950. Ensuite ce
terrain fut vendu par l’Etat à des particuliers qui construisirent
leur maison au début des années 1950.
Trois chaumières qui n’avaient aucun confort, ni
eau, ni électricité, étaient bâties sur le plateau. Les familles
Vanderstock, Bergmans et Hemerijckx y cultivaient quelques arpents de
terre et vivaient modestement de la culture de leur potager et des
fruits de leur verger. On peut encore aujourd’hui trouver les traces
des fondations de ces maisons et des quelques arbres fruitiers redevenus
sauvages qui entouraient la propriété.
Les maisons de la rue Engeland avaient de longs
jardins qui se prolongeaient sur la butte vers le Homborch où furent
construits les immeubles de Cobralo. Ces jardins regorgeaient au
printemps des fleurs de leurs vergers, surtout des cerisiers. Les
habitants vendaient les cerises de Schaerbeek à la brasserie Van Haelen
qui fabriquait une kriek réputée.
Souvenirs de J.J.,un ancien du Engeland
transmis par le Comité Engeland/Puits |
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Souvenirs
d’Engeland
Ceci n'est évidemment pas l'historique d'un site
campagnard qui, lors de notre arrivée en 1969, avait déjà bien
entamé son urbanisation: les maisons récentes de la rue Engeland
(très ancien chemin pavé au 19e siècle!) et les premières
constructions de l'avenue de l'Hélianthe, puis celles, plus récentes,
du chemin du Puits, notamment, montrent l'ampleur de ce processus de
transformation. Celle qu'on nous promet, nous inquiète et nous mobilise
achèvera l'urbanisation de notre "plateau", en nous privant
d'un espace qui ne fut pas toujours boisé.
Une carte du 18e siècle montre que le lieu-dit
Engeland était déjà habité à l'époque, et en 1969, l'espace
aujourd'hui dévolu aux promoteurs abritait encore deux masures
habitées: l'une en face de chez nous (à l'angle du chemin du Puits et
de la rue Engeland), occupée par une délicieuse vieille dame d'origine
espagnole, que tout le monde appelait "Mamita", et à qui son
fils rendait régulièrement visite, l'autre en retrait du chemin du
Puits, au bout d'un sentier, à peu près face au numéro 75 ou 77.
Dans
les semaines qui suivirent notre arrivée ici, le très vieux couple qui
habitait cette dernière maisonnette fut sauvagement agressé par des
voyous, qui furent heureusement arrêtés peu après. Par la fenêtre de
la chambre on pouvait voir des draps tachés de sang ... Les malheureux
furent hospitalisés, on ne les revit plus et la maison fut rasée.
Aucune trace n'en resta visible, alors qu'ailleurs on peut encore,
actuellement, découvrir quelques pans de murs et des caves engloutis
dans les arbustes, les ronces et les broussailles, dernières traces
d'une époque (pas si lointaine) où l'on s'éclairait à la chandelle,
puisait son eau dans son puits, mangeait les légumes et fruits de son
lopin de terre, les œufs de ses poules, buvait le lait de sa brebis.
Cette
campagne n'avait donc, au début des années septante, pas du tout sa
physionomie actuelle. Le chemin du Puits était d'un côté bordé de
genêts, de l'autre (du côté aujourd'hui construit) de terrains à
l'abandon, d'un petit bunker militaire (il s'agissait apparemment d'un
poste de guet datant d'avant la Seconde Guerre), d'un vaste hangar. Les
arbres étaient rares (de petites zones, plus touffues, abritaient de
vieux fruitiers, notamment des pruniers), le site était surtout fait de
prairies et de landes, où mon épouse put d'ailleurs monter à cheval,
là où maintenant les bouleaux occupent naturellement un sol jadis plus
ou moins cultivé ou pâturé. La vue portait loin vers le nord, au
delà de la ligne de chemin de fer que ne masquait alors aucun arbre. Au
sud, c'est-à-dire sur la partie haute de cette propriété, un
"autochtone" de la rue Engeland cultivait des pommes de terre
en face de sa ferme (aménagée depuis en deux habitations) où il
nourrissait un (ou des) cochon. La patate ne rendant sans doute plus,
lui et ses fils se reconvertirent dans le transport routier,
accumulèrent les camions (je ne sais plus comment ils se
débrouillaient pour les garer) qui manœuvraient jour et nuit, au point
de nous rendre la vie impossible. La roue tourna, cet homme, sa famille
et ses camions vidèrent un jour les lieux, un calme relatif revint. Une
autre entreprise de transports s'installa en face de la précédente,
mais plus discrète. Elle aussi alla rapidement se fixer et prospérer
ailleurs.
Au début de notre vie ici, nous n'allions que peu
nous promener "en face". Les lieux étaient peu fréquentés,
et un vieil habitant du quartier (il s'appelait Jef, vivait seul dans un
taudis et n'était peut-être pas très heureux de l'arrivée de ses
nouveaux voisins) se prétendait investi de la mission de les surveiller
et de nous en interdire l'accès. Ce ne fut cependant pas Jef qui freina
nos promenades, mais un maniaque (resté inconnu) qui, un jour, se mit
à déposer un peu partout des boulettes de viande empoisonnée. Notre
jeune cocker en fut victime, et, plus tard, notre épagneul breton en
réchappa de peu.
Très vite après notre arrivée, coup de tonnerre
dans ce quartier encore si calme: une grosse entreprise annonce son
intention de construire dans les praires proches de la ligne SNCB un
usine de construction de poteaux en béton avec raccordement au chemin
de fer! Branle-bas de combat dans le quartier, constitution d'un
comité, appel à un avocat, réunions houleuses: le projet fit long
feu.
Quelques années plus tard, la BBL (devenue entre
temps propriétaire des lieux) annonce son intention d'y construire son
centre de calcul, une agence-pilote pour la formation et l'entraînement
de son personnel et un cercle sportif qui serait accessible aux
habitants du quartier... histoire de les amadouer et de prévenir toute
tentative de révolte! Je ne me rappelle plus si nous dûmes beaucoup
guerroyer contre ce projet finalement assez vite abandonné au profit du
Cours Saint-Michel, à Etterbeek, où cette banque finit par
s'implanter. Soulagement général, les riverains s'enfoncèrent dans la
douce croyance que désormais ces espaces, officiellement non affectés,
étaient sauvés pour l'éternité. Funeste endormissement dont, bien
plus tard, le feu vert du PRAS aux promoteurs allait nous arracher.
Les lieux n'étaient pas pour autant à l'abri de
menus avatars. Le terrain , aujourd'hui bâti, à l'angle du chemin du
Puits et de la rue Engeland, abritait régulièrement de vieilles
roulottes de forains et du matériel divers. Leurs propriétaires, des
ferrailleurs plus ou moins nomades apparentés à l'occupante d'une
maisonnette vétuste plus bas dans la rue, hantaient régulièrement les
lieux, installaient leurs caravanes le long du chemin du Puits (qui
était alors accessible aux voitures sur tout son parcours), allaient
dans le bois dépiauter de vieilles carcasses. Il valait mieux les
éviter, ne surtout pas leur faire de remarques sur l'état des lieux
après leur départ. La police connaissait bien ce "clan" de
sinistre réputation, coutumier de règlements de compte. Il n'y a pas
si longtemps qu'un soir des coups de feu claquèrent au départ d'une
voiture contre un baraquement de bois situé en arrière de la
maisonnette susdite, des balles sifflèrent aux oreilles des occupants.
Plus tard le baraquement devait complètement brûler, tout le monde
s'en souvient encore…
Une nuit, un crépitement sinistre nous réveilla.
Des lueurs dansaient en face de chez nous à travers le feuillage des
arbres. Un autre riverain, plus vite éveillé, avait déjà alerté les
pompiers. A leur arrivée, une caravane achevait de se consumer. Il n'en
restait rien. Le bois alentour avait miraculeusement été épargné.
Aussi longtemps qu'il resta accessible aux voitures, on y découvrit
tantôt un véhicule volé, tantôt des dépôts sauvages de fonds de
grenier, des lots de vieux vêtements…Heureusement, ce coin assez
perdu d'Uccle bénéficia progressivement d'un contrôle social de fait
de la part de ses riverains.
Aujourd'hui, malgré le nombre sans cesse croissant
de promeneurs (y compris les marcheurs de l'Adeps), les lieux restent
assez propres, signe peut-être d'une conscience environnementale
grandissante. Heureux effet aussi, sans doute, de la fermeture d'une
partie du chemin du Puits à la circulation automobile.
Désertés depuis longtemps par leurs derniers
occupants ou exploitants ("Mamita" étant décédée, sa
masure fut ensuite occupée pendant peu de temps pas une famille très
démunie et assez turbulente, puis rasée à son tour), les landes et
boqueteaux se muèrent rapidement en bois de plus en plus touffus,
"enrichis" par quelques plantations de résineux. Les
promeneurs, souvent accompagnés de leurs chiens, commencèrent à se
faire plus nombreux . Les lieux acquirent une certaine notoriété, des
membres de la police montée d'Uccle, et le commissaire en chef
soi-même, prirent l'habitude d'y venir aérer leurs chevaux.
Sympathique et rassurant.
Un jour, en 1995, nous vîmes un détachement de
gendarmes, avec chevaux et petits camions, descendre la rue... et
réapparaître chemin du Puits d'où ils s'enfoncèrent dans le bois. Ma
curiosité piquée au vif, je passai la laisse à mon chien, un
magnifique et pacifique golden retriever prénommé Socrate, et partis
à la recherche de "mes" gendarmes. Je les découvris dans la
première petite clairière, leurs chevaux disposés en cercle comme
dans un western. Ces jeunes gens préparaient leur barbecue dans une
bonne humeur générale ... qui faillit se muer en une vilaine fâcherie
quand Socrate, attiré par un irrésistible fumet, approcha son museau
d'une côtelette et faillit l'engloutir. Je dus tirer fort sur la laisse
et filai prudemment laissant cette joyeuse compagnie à ses manœuvres
gastronomiques.
Souvenirs de Francis Wilquin transmis par le Comité
Engeland/Puits |
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Ballade au
Engeland
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imprimable
Départ : arrêt du bus 43
/Gazelle/ Engeland ;
Depuis l’arrêt du bus, remontons la
rue Engeland pavée. La rue Engeland est une ancienne voie de
communication qui était déjà mentionnée au recensement de 1846, elle
traversait alors tout le sud d’Uccle, depuis le Wolvenberg (gare de
Calevoet) jusqu’à la petite Espinette (chée de Waterloo).
En prenant vers la gauche par l’avenue
de l’Hélianthe nous aboutissons au chemin du Puits (sentier vicinal
n°54). En face de nous s’étend le site semi naturel reconnu à haute
valeur biologique. Descendons le chemin du Puits vers la gauche et
passons sous le pittoresque pont de chemin de fer de la ligne 26.
Tout de suite, sur votre droite, se
trouve la zone humide protégée, une aulnaie marécageuse où passe le
Kinsenbeek . Un ancien étang en voie d’être comblé y forme un
marais.
Dans la descente du chemin du Puits,
sur la droite, au bas d’un petit escalier de quelques marches, jaillit
une source qui donna son nom au chemin. Son eau, aujourd’hui non
potable, servait jadis à l’alimentation des riverains qui n’étaient
pas reliés à l’eau de ville.
De l’autre côté du chemin du Puits
s’étend la réserve naturelle du Kriekenput où l’IBGE aménage la
promenade verte.
Revenons sur nos pas et retournons
sous le pont du chemin de fer, nous pénétrons cette fois dans le bois
devant nous. (A sur la carte)
Les chênes pédonculés se sont
spontanément établis sur ces terres en friche depuis une trentaine d’années.
Sur ces terres libres, les chênes qui aiment la lumière ont pu
développer des branches basses et une couronne harmonieuse typique des
végétaux qui n’ont pas été gênés dans leur croissance.
Le cerisier tardif à grappes a aussi
proliféré car c’est une espèce envahissante.
En longeant sur la gauche le chemin de
fer, on aboutit à un ravin où coule le Kinsenbeek ou Eyckenbosbeek. Un
étang s’est formé en contrebas du cimetière de Verrewinkel qui
occupe l’autre versant , il vient butter contre le talus du chemin de
fer qui barre la route au ruisseau qui ne coule que par un étroit
pertuis. L’étendue d’eau croît et décroît en fonction des pluies
et présente un grand intérêt pour la faune locale.(B sur la carte)
Reprenons le sentier qui pénètre
dans le bois sur la gauche, nous atteignons bientôt la limite de la
propriété de l’Institut Pasteur. (C sur la carte) Devant nous s’étalent
les champs de culture de céréales entrecoupés de haies boisées. L’alternance
de clairières et de bosquets, de haies et de bois forment un paysage
indispensable à la survie de l’avifaune et explique l’importance du
nombre des oiseaux dans le sud de la commune d’Uccle. Ceux-ci trouvent
dans ces paysages une nourriture variée faites de graines ou d’insectes
et des bosquets de tous âges leur procurent abris et lieux de
nidification.
Les zones que nous avons parcourues,
font partie des sites proposés comme zones spéciales de conservation
pour NATURA 2000 en application de la directive européenne
« Habitat ». Ces sites ont été choisis par la Région de
Bruxelles Capitale car ils servent « d’habitat » à des
espèces menacées que chaque pays a le devoir de conserver et de
protéger d’autant plus qu’ils sont rares en région bruxelloise
densément peuplée.
Nous atteignons un bois de bouleaux
mais d’autres espèces sont présentes comme l’érable, le sorbier,
le noisetier, le cornouiller sanguin, le sureau…Nous sommes ici dans
la partie constructible du site.
Au croisement des sentiers, reprenons
vers la droite, nous longeons la dernière prairie du plateau et son
cheval blanc.(D sur la carte) Trois charmes tricentenaires et de forme
remarquable, aux troncs noueux et tordus, un érable sycomore et un
châtaignier forment un alignement, vestige d’une haie ancienne d’arbres
taillés en cépée qui longe le chemin vicinal n° 125. (E sur la
carte)
En prenant sur la gauche, nous
rejoignons bientôt le chemin du Puits que nous suivons sur la gauche
pour aboutir à la rue Engeland. Redescendons cette charmante rue pavée
qui présente encore des maisons anciennes typiques du vieil hameau du
Engeland. Devant nous s’étend au loin la ville de Bruxelles.
Nous avons tous en mémoire l’été
très chaud de l’année 2003. En revenant de la ville cet été,
chacun d’entre nous aura pu constater la différence de température
et la relative fraîcheur qui régnait en arrivant au Kinsendael où la
végétation a été protégée ou bien dans les bois du plateau
Engeland où l’on pouvait encore respirer alors qu’en ville il
faisait étouffant.
Le site semi naturel que vous venez de
parcourir est un élément de l’écosystème urbain, sa végétation
réduit les effets de la pollution, absorbe le CO2, présente une
surface importante d’évaporation et d’infiltration des eaux de
ruissellement, il contribue à la ventilation de la ville et joue un
rôle de tampon climatique.
Aidez-nous à le préserver !
Pour le comité Plateau Engeland/Puits Thérèse Verteneuil |
Le
vrai nom de la ZVHB : Het Tetteken Elst
Louis Vannieuwenborgh
Une récente promenade au plateau Engeland organisée
par le Cercle d'Histoire et d'Archéologie d'Uccle nous fournit
l'occasion d'évoquer le versant qui domine le cimetière de
Verrewinkel.
La bordure nord du plateau Engeland se termine
abruptement par un vallon encaissé au fond duquel, alimenté par des
sources, un filet d'eau se faufile entre le plateau et le remblai du
cimetière de Verrewinkel. Il butte en aval sur la voie ferrée qui
barre le vallon. Une canalisation permet aux eaux de franchir cet
obstacle et de rejoindre en aval le Groelstbeek.
Cette étroite et profonde coupure est défendue de
l'approche humaine à la fois par la raideur de ses pentes, la présence
du cimetière et l'envahissement d'une végétation qui s'y est
spontanément développée depuis plus de 25 ans. Le vallon fait
partie de la Zone Verte à Haute Valeur Biologique (ZVHB), appellation
bien sévère pour l'un des rares coins de la nature préservée à
Uccle.
Cet endroit sauvage était, il y a 50 ans à peine,
ouvert et accessible. Près de la voie ferrée, une pièce d'eau bordée
de roseaux attirait les dimanches d'été les habitants des hameaux
proches : Verrewinkel, Broeck, Kriekenput. On s'y baignait! Le
vallon était connu par les Ucclois, mais aussi – depuis
l'avant-guerre – par les promeneurs venus de Bruxelles, sous le nom
: "Het Tetteken Elst".
Ce site apparaît sur certaines cartes du XVIIe
siècle sous le toponyme 's Hertogen Elst (l'Aulnaie des
Ducs). Il formait la limite extrême de la pointe la plus occidentale de
la forêt de Soignes. Le toponyme signale donc à la fois ses
propriétaires, les ducs de Brabant, et la nature du lieu, un endroit
bas et humide où croissent des aulnes. 's Hertogen Elst s'est
altéré au cours du temps pour aboutir à notre "Het Tetteken
Elst". L'humour populaire l'affublait aussi de divers
sobriquets : "Ukkel-Plage", "Broeck-Plage",
"Moer-Plage" (Boue-Plage)... Ils consacraient autant son
usage que son succès.
C'est avec nostalgie que les anciens Ucclois se
souviennent de ce beau vallon – un des plus beaux coins d'Uccle –
adossé au Kauwberg et longeant le désormais très convoité plateau
Engeland. |
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