Depuis plusieurs décennies et surtout depuis les années 60,
l'intensification des interventions de l’homme sur la nature entraîne
une raréfaction ou la disparition des milieux naturels et des espèces
végétales et animales sauvages ( diminution de la biodiversité
écologique et de la biodiversité spécifique) : 5 à 15 % des
espèces ont disparu depuis 50 ans; 30 à 50 % sont en forte réduction.
De récentes données européennes permettent un aperçu de la
gravité de la situation actuelle : 50 % des 150 espèces de mammifères
d'Europe seront menacées, de même que 30 % des 520 espèces d'oiseaux,
30 % des 180 espèces de reptiles, 30 % des 150 espèces de poissons ;
sur 10 000 espèces de plantes en Europe, 30 % sont menacés et 27 %
sont en voie de disparition.
Les populations de nombreuses espèces ne cessent de décroître, ce
qui se traduit par une diminution de la biodiversité génétique.
En fait, la régression des espèces provient de la détérioration
et du morcellement des habitats naturels où elles peuvent vivre et se
reproduire, en parcelles de plus en plus petites et isolées. L’agence
européenne de l'environnement a lancé le programme CORINE Land Cover
sur 31 pays.
Des satellites observent les sols; on dresse des cartes. Entre 1990
et 2000, on voit la fragmentation accrue du paysage belge et d'autres
pays européens. Le niveau de fragmentation le plus élevé concerne la
Belgique, puis le Luxembourg et l'Allemagne.
La division des forêts, des marais, … provoque des extinctions
d'espèces.
Le but du programme Natura 2000 est de préserver certaines espèces
et les milieux naturels où elles trouvent refuge. Si certains sites
doivent être restaurés, des fonds seront prévus.
L'objectif des directives européennes 79/409/CEE sur la protection
des oiseaux et 92/43/CEE « Faune, Flore Habitats » est de
préserver des espèces et de protéger les habitats via leur
intégration dans le réseau écologique Natura 2000 de sites à gérer
de manière adéquate.
Le choix des sites doit répondre à des critères scientifiques
dictés par les directives. Il s'agit d'habitats particuliers, tels par
exemple des tourbières, des pelouses calcaires, … ; d’espèces
particulières, telles certaines chauves-souris, le triton crêté, la
bouvière, la moule perlière,...
Le réseau comprend des Zones de protection spéciale (ZPS) et des
zones spéciales de conservation (ZSC). Les ZPS sont destinées à la
conservation des 187 espèces et sous-espèces d'oiseaux figurant à
l'annexe I de la directive « Oiseaux » ainsi que des oiseaux
migrateurs.
Les ZSC sont destinées à la conservation des 253 types d’habitats,
des 200 espèces animales et des 434 espèces végétales répertoriées
dans les annexes I et II de la directive « Habitats ».
Toutefois, la directive « faune, flore, habitats »
reconnaît qu’une conservation efficace de la biodiversité ne pourra
être obtenue par la seule mise en place du réseau Natura 2000.
C'est pourquoi, à l'article 12 de la directive, les Etats membres
doivent s'engager à garantir la protection stricte sur leur territoire
« d’espèces d'intérêt communautaire » ainsi que de
leurs aires de repos et de reproduction. (cf Annexe IV).
L'annexe IV de la directive comprend notamment des espèces qui
survivent dans de nombreuses régions rurales d'Europe telles que la
loutre d'Europe. (la loutre figure déjà dans l'annexe II).
Et l'article 10 de la directive demande aux Etats membres la
protection des éléments du paysage (haies, rives des cours d'eau, …)
qui jouent le rôle de couloir écologique pour la faune et la flore
sauvages (assurant la migration, la distribution géographique et
l'échange génétique des espèces sauvages).
Parmi les sites Natura 2000, il n’y a pas que des milieux
« naturels ». En Europe et principalement en Belgique, il
s'agit souvent de milieux « semi-naturels » modifiés par
l'activité humaine.
C'est ainsi qu'on trouve par exemple dans la liste des types
d'habitats de l'annexe I de la directive : 17 types différents de
prairies, tels les prés de fauche traditionnels. Cela suppose le
maintien de certaines formes traditionnelles d'usage du sol.
Les programmes de gestion des sites Natura 2000 devront y pourvoir.
En Région wallonne, les 271 sites Natura 2000 représentent environ
220 000 ha, soit +/-13 % du territoire régional.
D'après le décret du 6 décembre 2001 relatif à la conservation
des sites Natura 2000, … :
Pour le propriétaire ou l'occupant de terrains d'un site Natura
2000, sont prévus des avantages fiscaux (exonération du précompte
immobilier et des droits de succession et mutation par décès) .
Des subventions sont accordées pour la gestion, sous la forme de
forfaits à l’hectare (en respectant un contrat de gestion active
adaptée au type de milieu) .
Le décret du 6/12/2001 prévoit que certaines subventions existantes
pour la préservation des habitats naturels et des espèces seront
majorés dans les sites Natura 2000. La conservation ou l'amélioration
de l'intérêt biologique, de la biodiversité de certains sites demande
la mise en oeuvre de techniques de gestion tels les fauches tardives, le
pâturage extensif, …
Des mesures agri-environnementales spécifiques seront disponibles.
Chaque site sera suivi par une Commission de conservation. Il y en
aura 8 pour l'ensemble de la région (correspondant aux 8 divisions de
la Division Nature et Forêt).
Les scientifiques évalueront les objectifs fixés en retournant sur
place pour l'évaluation.
Les plans de gestion sont prévues pour dix ans et établis par des
bureaux d'experts.
Le contrat de gestion prévoit que 60 % (en terme de surface du sol)
des propriétaires soient prêts à s'investir. Dans le cas contraire,
la Région wallonne devra entreprendre elle-même la gestion ou la
confier à une A.S.B.L.
Les sites Natura 2000 feront l'objet d'un arrêté de désignation.
Ils bénéficieront d'un plan de gestion active. Les commissions de
conservation doivent être nommées. Les contrats de gestion active
devront être signés par les propriétaires, les locataires, les
gestionnaires.
10 000 ha devraient être concernés en 2003.
100 000 ha devraient être concernés en 2004.
Et le solde devrait être clôturé pour 2008.
Cinq centres « Natura 2000 » ont été ouverts sur
l'ensemble de territoire wallon. Leur mission est de contribuer à une
meilleure intégration des acteurs locaux à la gestion des sites Natura
2000. (Rencontres-débats, séances d'information, visites des sites,…)
Il faut cependant rester vigilant !
Le site de la réserve naturelle de la Heyd des Gattes, ZSC Natura
2000, jouissant en fait de 7 statuts de protection (réserve naturelle,
site classé du patrimoine majeur de la Wallonie, réserve
biogénétique du Conseil de l'Europe,…) est menacé à nouveau
d'être dynamité par un arrêté du bourgmestre d’Aywaille. Ce site
est d'une très haute valeur biologique. Il recèle une espèce
endémique qui n'existe nulle part ailleurs : la joubarbe d’Aywaille
; le faucon pèlerin y a niché ; nous y avons observé le hibou grand
duc,...
En Région flamande, les sites « habitats » recouvrent
quelque 163 000 ha, soit 61 sites correspondant à 10 % du territoire.
En région de Bruxelles capitale, trois ensembles de sites Natura
2000, totalisant une superficie de plus de 2300 ha (14 % de la région)
ont été désignés comme « Zones Spéciales de
Conservation ». Ils assureront la conservation de 4 espèces de
chauves-souris, d'un insecte rare (la lucane cerf-volant) et d'un
poisson rare (la bouvière) ainsi que la conservation de certains
«Habitats» figurant à l'annexe I de la directive.
L'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 26
octobre 2000 (modifié par l'arrêté du 28 novembre 2002) relatif à la
conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore
sauvages propose à la Commission européenne la liste des sites
susceptibles d'être identifiés comme d'importance communautaire.
La Commission européenne vient de notifier l'acceptation des 3 ZSC
proposées.
La ZSC I comprend la forêt de Soignes (1657 ha en Région
bruxelloise) avec ses lisières, les domaines boisés avoisinants et la
vallée de la Woluwe. Elle comprend le plateau de la Foresterie, le bois
de la Cambre... au total 2040 ha. Elle assure le maintien de certains
écosystèmes (surtout des hêtraies), de certaines espèces telles le
lucane cerf-volant (talus des 3 Tilleuls, avec ses vieux chênes), de la
bouvière (étang du Vallon « des Enfants Noyés », du
Rouge-Cloître, de Boitsfort, du parc Tournay-Solvay, du parc de Woluwé
) et de 4 espèces de chauves-souris (Grand murin, Vespertillon des
marais, Vespertillon à oreille échancrée, Barbastelle) .
Il s'agit en fait de lieux de repos, de nourriture, de reproduction
et d’hibernation pour 14 espèces forestières et arboricoles de
chauve-souris.
La ZSC II est constituée des zones boisées et ouvertes situées au
sud de la Région bruxelloise, sur la commune d'Uccle : le Kauwberg
(47,7 ha), la réserve régionale du Kinsendael (7,9 ha) – Kriekenput
(5,4 ha) ainsi que le domaine Herdies (1,3 ha), le bois de Verrewinkel
(19,1 ha), le bois (7,7 ha) et la vallée du Buysdelle (5,5 ha), le
domaine de la Tour de Frein (8,2 ha), une partie du plateau Engeland
(15,1 ha), le marais du Moensberg (73 a), le parc Fond’Roy (9,2 ha),
les stations relais de la CIBE (5,8 ha), le site de la chapelle Hauwaert
(3,5 ha), le parc de la Sauvagère (5,6 ha), le parc du Papenkasteel
(2,3 ha), soit au total 217 ha.
Cette zone est riche en espèces, dont 11 espèces de chauves-souris,
notamment deux espèces de l'annexe II de la directive
« Habitats » : le Grand murin et la Barbastelle.
La ZSC III est un ensemble de zones boisées à flore vernale riche
et de zones humides marécageuses de la vallée du Molenbeek dans le
nord-ouest de la Région, avec le Laerbeekbos, le Poelbos, le bois de
Dieleghem, les zones marécageuses de Jette et de Ganshoren, reliées
par le parc Roi Baudouin. Au total 118 ha. C’est un complexe d'aires
de nourrissage pour 12 espèces de chauves-souris, dont trois espèces
« Habitats » : le Vespertillon des marais, le Grand murin et
la Barbastelle.
Les écosystèmes (dont certains milieux repris dans l'annexe I de la
directive « Habitats ») présents dans les ZSC de la Région
bruxelloise :
la Mégaphorbiaie hydrophile
la Hêtraie
la Hêtraie calcicole
la Chênaie pédonculée ou chênaie-charmaie
la vieille chênaie acidophile à chêne pédonculé
la forêt alluviale à aulnes et frênes
Un programme LIFE-Nature (instrument financier pour l'environnement)
pour l'aménagement de ces ZSC s’est réalisé de fin 1998 à fin
2002. Il s'agissait d'une coopération entre l’IBGE, l'IRSNB et les
groupes de travail sur les chiroptères de « Réserves
naturelles » et « Natuurreservaten ». L'objectif
était d'éliminer les facteurs limitant les populations de
chauves-souris et, d'autre part, de sensibiliser le public pour la
conservation de ces animaux. Les facteurs limitant pour ces populations
de chiroptères sont la disponibilité en gîtes de reproduction et
d'hibernation ainsi que la qualité des terrains de chasse.
Un inventaire des arbres présentant des cavités a été réalisé.
Le plan de gestion de la forêt Soignes en tient compte.
Des batteries de nichoirs ont été placés dans les ZSC. Des combles
ont été aménagés comme gîtes de reproduction. Les greniers de deux
maisons forestières ont été pourvus de chiroptières. Des glacières
abandonnées ont été aménagées en gîtes d'hibernation. La gestion
des zones de nourrissage (étangs) a été programmée.
Cependant, il existe malgré cela des menaces : la société CFE a
introduit un recours au Conseil d'Etat contre la désignation du plateau
de la Foresterie comme site Natura 2000 par la Région de
Bruxelles-Capitale. Trois associations membres de l'Entente Nationale
pour la Protection de la Nature : la Ligue des Amis de la Forêt
Soignes, de Bruxelles-Nature et la Commission Ornithologique de
Watermael-Boitsfort ont introduit une action en intervention volontaire
au Conseil d'Etat en appui de la Région de Bruxelles-Capitale.
Vous connaissez la problématique du plateau Engeland, dont une
partie est zone Natura 2000 (projet de lotissement aux abords) et celle
du bois de Verrewinkel ( menace d’aménagements non compatibles).
(Voir détails en fin de Kauwberg Info NDLR)
Le bois de la Cambre, qui fait partie de la ZSC I fait l'objet d'un
plan de rénovation qui prévoit des bouleversements importants … mais
il n'y a pas dans le dossier d'étude de la biodiversité des milieux,
ni de la flore et de la faune. Ni aucune allusion au fait qu'il s'agit
d'un site Natura 2000. Ce projet sera mis bientôt à l'enquête
publique par la ville de Bruxelles.
La forêt de Soignes elle-même est menacée par un projet de
l'administration des routes de la Région flamande, laquelle veut
procéder à des travaux sur le Ring. Elle veut donner le statut
d'autoroute au Ring Est. Les bureaux d'études chargés du projet
proposent de grands travaux :
* suppression de plusieurs accès (Quatre-Bras, Notre-Dame de Bonne
Odeur, av. Dubois vers Uccle et Rhode)
* création de nouveaux tunnels et de viaducs passant au-dessus des
arbres à hauteur du Carrefour Léonard !
La forêt de Soignes est cependant site classé et site Natura 2000
dans les trois Régions.
En conclusion, nous accueillons avec satisfaction et espoir la
création de réseau Natura 2000. Cependant, il faut rester vigilants et
en cas d’atteinte ou de menaces sur un site Natura 2000, il faut se
référer aux dispositions de l’article 6 (paragraphe 2) de la
directive « Habitats » : « Les Etats membres prennent
les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de
conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats
d'espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour
lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces
perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif eu
égard aux objectifs de la présente directive. »
Le mouvement associatif devra alors intervenir.
Natura 2000 est un bon outil pour la défense de la
nature,
mais nous devons le faire respecter et en faire usage.