Les rôles du Kauwberg
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UN ESPACE VERT PAS COMME LES AUTRES

texte de Thibault Wolff, principal animateur de SOS Kauwberg de 1988 à 1995

Un site semi-naturel

Dès le XVIIIe siècle, le site du Kauwberg existe sous forme d'une forêt secondaire jouant le rôle " d'antichambre >, de la forêt de Soignes. La chênaie à bouleau formait alors le principal biotope du site.

On commence à le défricher dans la première moitié du XIXe siècle pour réserver des parcelles à la culture ainsi qu'à l'industrie extractive de sable couplée à l'activité d'une briqueterie. C'est ainsi que le Kauwberg reste en partie exploité jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale.

Ensuite, l'utilisation du site par l'homme diminue fortement. L ' espace vert évolue spontanément et l'on commence à distinguer des zones encore utilisées (fauchage, pâturage. . . ) , contrastant avec des parcelles non exploitées et envahies de bosquets. Ainsi prit forme le site semi-naturel du Kauwberg que nous connaissons. Ce terme, créé par un botaniste hollandais, indique que le Kauwberg ne constitue pas un espace naturel au sens strict. Ceux-ci n'existent d'ailleurs plus guère, et en Belgique seuls les prés salés du Zwin et quelques zones des Fagnes s'en rapprochent.

En Pologne et en Angleterre, certaines forêts peuvent être qualifiées de naturelles au même titre que certaines zones de la forêt amazonienne. A l'opposé de ces sites, dits naturels, existent des paysages industriels et de cultures mono-intensives. Ces derniers
sont surtout représentés en Belgique par les céréales, la betterave et les résineux. Entre les deux, les sites semi-naturels tel que celui du Kauwberg, sont ceux où s'établit un équilibre entre une flore spontanée et des activités humaines douces.

 

Un vestige unique

Aujourd'hui la région bruxelloise compte une vingtaine de sites semi-naturels, témoins des paysages de notre passé et théâtres d'activités du présent. On peut les présenter en trois catégories.
Tout d'abord, des ensembles paysagers comme la vallée de Neerpede à Anderlecht, déjà choisie comme décor par Brueghel dans " La parabole des aveugles ".

Ensuite, des fonds de vallées humides, qui nous rappellent l'origine de notre capitale, car étymologiquement " Bruoscella " signifie " maison dans le marais ". Ils sont représentés dans la capitale par la réserve domaniale du Kinsendael ou par les marais de Ganshoren, du Moeraske et de la vallée de la Woluwe.

Enfin, un troisième type de sites semi-naturels est représenté par les dernières lisières de la forêt de Soignes. Ce sont donc des vestiges historiques de la forêt (dont l'actuelle gestion poursuit essentiellement un objectif de rentabilité) .

Une chance extraordinaire veut que le site du Kauwberg soit une synthèse de ces trois types de milieux. Réparti sur 53 ha et présentant un relief varié, résultat de la gestion humaine et de l'évolution naturelle, il offre des perspectives esthétiques uniques de nature dans la ville.

 

Un espace original

Il ne faut pas confondre la situation du Kauwberg avec celle d'une réserve naturelle qui a pour vocation première de protéger les plantes et les animaux vis-à-vis des actions néfastes et destructives de l'homme. De par sa situation dans la capitale, le Kauwberg doit être préservé dans son état actuel, mais il doit aussi recevoir la population et en particulier les citadins à la recherche de véritable nature proche de chez eux. Mais il faudra évidemment assurer un certain encadrement matériel et humain, pour y éviter une surpopulation et des activités non souhaitées, pouvant menacer l'équilibre ou la richesse du site.

Le Kauwberg ne doit pas être vu comme un jardin zoologique ou botanique, car les espèces y vivent en totale harmonie et liberté avec le milieu. Ceci nous amène à signaler que le pâturage d'animaux domestiques (chevaux, vaches, moutons) doit se faire dans des parcelles gérées et réservées à cet effet. Si l'approche par les enfants des animaux d'élevage est intéressante, elle doit se dérouler de préférence en un point précis et réservé du site. Enfin, le Kauwberg est un espace vert original car il diffère des parcs urbains en permettant à tout écosystème de se développer en parfaite harmonie. Un parc essentiellement conçu pour offrir un site récréatif, ne laisse survivre qu'une faible quantité d'espèces animales et végétales et, limite, de par sa structure artificielle, les relations entre les êtres vivants. C'est une " nature appauvrie ". Le site du Kauwberg qui n'est donc pas un jardin zoologique ni botanique, présente certains aspects propres à la réserve naturelle et permet en outre une certaine activité récréative tout comme dans les parcs urbains existants. Pour maintenir l'aspect semi-naturel souhaité et une richesse - c.-à-d. une diversité - optimale, une gestion réfléchie des différentes zones devra être appliquée : entretien de certaines parcelles (prés de fauches, prés de pâturages, coupes. . .), mise en réserve de quelques zones aux biotopes plus fragiles.

Des rôles plurifonctionnels

Le site du Kauwberg joue différents rôles, qui sont de très bons arguments à caractère scientifique et utilitaire, pour la conservation. On peut rassembler ces différentes fonctions en quatre catégories :

Rôle de support

Le Kauwberg est parsemé de quelques habitations, voies de communication et aires de stationnement spécifiques du paysage urbain qui se situent sur le pourtour du site et ne dépassent heureusement pas 10% de la superficie totale. Le rôle de support à la récréation dans un cadre paysager est beaucoup plus important et original. Détente, loisirs, promenades, observations se pratiquent sur les 53 ha, sans trop nuire à la végétation peu

vulnérable dans son ensemble (du moins au taux de fréquentation actuel) . Malheureusement, certaines pratiques, telles que le motocross sauvage sont des nuisances. Le citadin peut s'y détendre en jouissant de repères spatio-temporels différents de ceux rencontrés dans la vie active urbaine de tous les jours. Enfin, le Kauwberg est un support à la vie de quartier, aux traditions, aux rencontres et, permet que se perpétue l'histoire locale.

Rôle de production.

La seconde fonction que remplit ou a rempli le Kauwberg est celle de production. D'abord, les productions biotiques comme, par exemple, l'exploitation de la carrière de sable qui a laissé des traces irréversibles sur le relief. Ce rôle, du passé, a laissé la place à une production non dévastatrice et en équilibre avec la végétation en évolution constante. Les productions biotiques existent grâce à l'horticulture de loisir (car non indispensable à la survie), et sont localisées surtout en périphérie. Elles répondent à certains besoins d'une population principalement locale mais pourraient s'étendre au niveau éducatif sous forme d'un jardin scolaire didactique. L'initiation active à l'environnement existe aux Pays-Bas, où des écoles pratiquent régulièrement du jardinage.
Chez nous, ces expériences sont encore trop rares malgré quelques efforts, comme par exemple celui du Service Educatif du W W F ou les potagers dans les fermes pour enfants.

Un autre type de production biotique est l'élevage qui se développe en équilibre avec la production herbagère. Cette dernière se présente sous forme de prairie pâturée ou fauchée. Le contact entre l'homme et l'animal contribue à épanouir l'individu et en particulier lui faire prendre conscience qu'il doit être responsable.

Toutes ces productions ont un rôle écologique et paysager fondamental: interompre la colonisation forestière spontanée et assurer le maintien de la structure bocagère à grande valeur biologique et esthétique. Les tailles régulières et des coupes contrôlées produisent du bois de chauffage et du compost de broussaille.
Elles permettent aussi le maintien d'une végétation jeune propice à l'avifaune locale et utile à la dépollution de l'environnement. Il existe également une production fruitière (mûres, framboises, noisettes. . .), attirant les citadins. Une arboriculture fruitière pourrait permettre de développer d'anciennes variétés comme le cerisier de Schaerbeek qui est à la base de la fabrication de la Kriek.

Enfin, la production du Kauwberg s'illustre par les plantes médicinales connues ou encore à découvrir. C'est un potentiel naturel de données scientifiques pour les chercheurs et étudiants urbains qui ne peuvent se permettr de longs déplacements.

Rôle de régulation

Le troisième ensemble des fonctions offertes par le Kauwberg est sans doute le plus insoupçonné et pourtant de grande importance. Il s'agit de la régulation liée à la biomasse de la végétation et à la composition du sol sablo-limoneux filtrant. L'ensemble de la végétation, très jeune, purifie l'atmosphère en filtrant les poussières et les polluants ainsi qu’en produisant de l'oxygène. Le couvert végétal protège aussi le site de l'érosion en stabilisant le sol. Enfin, il y a une régulation suite au tampon climatique résultant d'une production de vapeur d'eau et d'une stabilisation de la température. Le sol perméable permet en outre que s'infiltre un quart à un tiers des précipitations.

Rôle d'information

L'information au sens large est la quatrième fonction remplie par le Kauwberg et celle que nous souhaitons promouvoir par l'édition de cet ouvrage. Il s'agit de vulgariser la connaissance de la nature, mais également l'histoire de Bruxelles dont l'évolution est jalonnée de documents cartographiques et de repères physiques (vieux murs, bornes, vieilles pierres). A l'époque moderne, l'homme est partout et l'étude d'un site, tant pour sa faune que pour sa flore, sa géologie ou son climat, doit en tenir compte. Les observations réalisées sur un site semi-naturel tel que celui-ci sont le plus proche possible de la véritable information nécessaire à la compréhension de l'écologie au sens large. A coté du grand public et des écoles, les chercheurs sont nombreux à utiliser le Kauwberg.
C'est par exemple le cas à l'ULB où le professeur Tanghe et son équipe étudient les communautés végétales et les processus dynamiques qui les animent. Etablir une cartographie floristique semble de plus en plus utile pour contrôler l'environnement.
Lorsque l'on sait qu'un sixième de la flore belge est représentée au Kauwberg, on comprend son importance.
Il y a l'information fournie par les plantes, utile pour l'amélioration ou la création de nouvelles possibilités en agriculture, médecine. . .
Plusieurs travaux ont déjà été réalisés ou sont en cours de réalisation sur le patrimoine génétique du Kauwberg qui constitue un conservatoire biologique du patrimoine génétique sous la forme d'une étendue non négligeable. De plus il offre des perspectives esthétiques uniques qui méritent d'être également protégées.

Rôle d'orientation

Ce dernier ensemble de fonctions est parfois si évident qu'on néglige d'en parler. C'est dommage car depuis toujours la végétation et le paysage servent de repère spatio-temporel à l'homme grâce, en particulier, au déroulement des saisons. Au Kauwberg, on observe la succession de la floraison, du prunellier puis de l'aubépine, du genêt, du sureau, de l'épilobe et d'autres encore. Depuis longtemps, l'homme cultive des fleurs pour l'esthétique, mais aussi pour se réconforter. Il crée ainsi un repère visuel vivant. Pour le citadin frustré, le Kauwberg est un excellent moyen de retrouver ses racines biologiques! Nombreux sont d'ailleurs les visiteurs qui apprécient le site et sa quiétude comme musée de très grande valeur esthétique. Il est source d'inspiration pour de nombreux artistes dans les domaines des arts plastiques, de la musique, du théâtre ou de la photographie.

Les fête du Kauwberg qui ont eu lieu de 1987 à 1991 et ont accueilli jusqu'à 8.000 personnes (1988) ont permis l'épanouissement de toutes ces fonctions en une grande exaltation lors de journées symboliques et mémorables.

Chaque année, en plus des centaines de promeneurs réguliers et occasionnels sur le Kauwberg, on observe toujours plus de gens qui, pour se rendre au cimetière, apprécient ce trajet à travers la nature. Le Kauwberg est une merveilleuse zone d'approche, propice à la méditation. Il parait donc évident que les 53 ha du Kauwberg forment un site semi-naturel original et utile pour la population de Bruxelles, de la région et du pays. On comprend d'autant mieux pourquoi le professeur Tanghe l'a baptisé " espace vert plurifonctionnel " et a élaboré un projet d'aménagement qui permet la sauvegarde de toutes les fonctions existantes tout en en faisant profiter un maximum de gens.