Ce que racontent les riverains
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CE QUE RACONTENT LES RIVERAINS

Thérèse Dussart

Préambule

Le coeur même du site appartient à la végétation et à la faune, et ce sont donc les gens des alentours qui pourront nous en parler comme faisant partie intégrante de leur vie. Nous avons interrogé plusieurs riverains et nous vous livrons leurs réflexions; ces anecdotes, ces souvenirs personnels nous racontent à leur façon l'histoire, comme une rumeur populaire, ce qui donne aux quelques pages suivantes, un caractère parfois impromptu.

Nous vous invitons d'ailleurs à continuer ce feuilleton vivant en accostant les promeneurs, et habitants de tout âge, que vous y croiserez.

J'ai interrogé un habitant, né à Saint-Job, et domicilié avenue de la Chênaie.

De son enfance, autour des années 1940, il retient l'image d'un paysage rural. L'avenue Dolez et la chaussée de Saint-Job étaient tranquilles et peu fréquentées par les voitures.

Châteaux, fermes, vergers, cours d'eau, étangs bordaient le village de Saint-Job avec ses petites maisons, ses estaminets où on se retrouvait. Des châteaux, il ne reste que le Papenkasteel. Par contre les petites maisons, remises en état pour la plupart, sont habitées soit par les anciens du terroir, soit par une population attirée par l'aspect campagnard des environs du Kauwberg. parallèlement à ce village, se sont développés les quartiers résidentiels.

Nous allons essayer de vous faire vivre cette image d'antan.

Les châteaux

Voici une vue des riverains qui étaient alors enfants, dans les années 30. Il y avait un château entouré d'un grand mur à l'emplacement de la rue de Wanzyn et ce mur isolait des regards extérieurs les activités d'un club de naturistes. Un autre château était situé en haut de l'avenue d'Orbaix et du Vallon d'Ohain ; on l'appelait château « Carton de Wiart », du nom de son propriétaire. Du château Spelmans, que l'on appelait « La campagne » et dont parle monsieur Pierrard dans le chapitre historique, il ne reste que l'ancienne glacière et le lion érigé chaussée de Saint-Job. Sa destruction, en 1975 est restée en travers de la gorge de plus d'un. Plus loin dans le temps, nous pouvons rappeler les châteaux du Kinsendael et celui de la Sauvagère dont il ne subsiste que le domaine et le parc.

Les étangs

Le plus beau et le mieux conservé est bien celui du Papenkasteel où vit le brochet et dont les alentours inspirent la rêverie. Et cependant en 1940, de nombreux étangs parsemaient encore le paysage de la vallée de Saint-Job. Le long de la chaussée ne reste que celui de la résidence du Cygne, fortement endommagé par les nouvelles constructions. Ceux du Kinsendael et du chemin du puits sont devenus des marécages tandis que celui de la Sauvagère a été aménagé en bassin d'ornement. De nombreux autres étangs disparus aujourd'hui donnaient aux alentours du Kauwberg une allure très spécifique. La chaussée de Saint-Job, au niveau de l'avenue de la Chênaie et de la rue du Repos formait une boucle autour d'un étang maintenant comblé par le tracé actuel. Le vestige de l'ancienne chaussée, encore en pavés, se prolonge par le sentier des Pêcheurs et la rue de la Pêcherie - des noms bien en consonance avec ce paysage d'eau -qui était elle aussi bordée par un étang. Il yen avait également un dans l'enceinte du château de Wanzyn et un autre dans le bas de la vieille rue du Moulin. Dans le voisinage, à côté de l'entrée actuelle de la ferme de l'institut Fond'Roy, se trouvait un marécage dit « 't poeleke » bien connu des vieux saint-jobois. Tous étaient alimentés par de nombreuses sources qui pour la plupart, ont été déviées vers les égouts. En ce temps, le Geleytsbeek était clair et limpide comme l'indique son nom. Les enfants allaient à la pêche aux épinoches sous le pont du chemin de fer, chaussée de Saint-Job.

Les vergers

Pommiers, cerisiers, pruniers faisaient la joie des enfants et des habitants. On en trouve encore épars un peu partout dans le Kauwberg. Sur le pourtour, il y avait un verger près du pont de la chaussée de Saint-Job et un autre, en bas de l'avenue Dolez. Les vergers de cerisiers situés autrefois de chaque côté du chemin des Pâturins, servaient à la fabrication de la Kriek. L'estaminet du Kriekenboom est un vestige de cette époque, et il serait bien regrettable de le voir disparaître pour des raisons de spéculation.

Les fermes

Actuellement, il reste deux fermes: celle de Fond'Roy, devenue Ferme Educative du Parc Régional Bruxellois et une autre, entourée de champs et de prairies, dans le domaine de l'Institut Pasteur, avenue Engeland. C'est là que pâturaient les chevaux de course du Baron Brugmann.

Au carrefour des avenues Dolez et de la Chênaie se trouve la Ferme Rouge, plus auberge que ferme depuis le début du siècle. La salle de réception - où se sont d'ailleurs souvent tenues les réunions des défenseurs du Kauwberg ces dernières années - était une grange où avaient lieu les concours de chèvres et les bals populaires. La rue de la Pêcherie comptait plusieurs fermes et la vieille rue du Moulin une ferme nommée « plattenblok ». Toutes ont disparu. Les fermiers n'ayant pas ou peu de terres mettaient leurs bêtes en pâture sur le Kauwberg. Le dernier d'entre eux, Hector, a occupé la prairie, du côté gauche en mon tant l'avenue Dolez, jusqu'à sa mort en 1985.

Le parc des Genêts

Ce lieu-dit est situé à l'est de l'avenue Dolez au niveau de l'avenue Jacques Pastur. C'est là que l'abbé Froidure avait installé des « colonies de vacances » pour les enfants défavorisés du centre ville, pendant la guerre de 1940. Beaucoup d'anciens de Saint-Job s'en souviennent. Du même côté de l'avenue Dolez se trouvait un immense ravin. Celui-ci a été comblé à l'arrière, par des terres de remblais et à l'avant, par un versage communal! U n V1, arme terrifiante encore dans bien des mémoires, y explosa en 1944.

Souvenirs

Il est normal que dans un tel environnement, le Kauwberg ait été considéré comme la campagne bruxelloise. Déjà avant la guerre de 1914, hôtels confortables et modestes chambres garnies accueillaient les citadins selon leurs moyens. Jusqu'après la deuxième guerre mondiale, de nombreux promeneurs venaient le dimanche en excursion pour y manger la célèbre « tartine au fromage blanc » accompagnée d'un verre de Kriek, à la Ferme Rouge, au Kriekenboom, ou à la taverne de la place de la Sainte Alliance. Ils venaient en tram, soit par le réseau bruxellois qui s'arrêtait à l'avenue Brugmann, soit par le vicinal qui passait par la chaussée de Waterloo.

Pendant la guerre de 1940, l'armée allemande a organisé sur le site des entraînements de tir et de motos. Puis, l'armée anglaise y a installé une artillerie anti-aérienne. Quelques trous le long de l'avenue de la Chênaie, au niveau du cimetière, en témoignent. Pendant cette période, tous les lopins de terre étaient cultivés par les gens du voisinage. On organisait des surveillances à tour de rôle pour éviter le maraudage. Malgré les activités militaires, la vie proliférait au Kauwberg. Lapins, oiseaux étaient nombreux et le braconnage et la tenderie y étaient pratiqués.

Parlons plus spécifiquement des paysages du Kauwberg.

Elle frappe d'emblée tous les promeneurs par son aspect de falaises abruptes et de plateau dominant. Autrefois, le sable était également exploité au-delà du cimetière (Cette carrière, située à l'emplacement du Lycée Français, a servi principalement à la construction du chemin de fer dans les années 1920. Durant les travaux, une passerelle en bois surmontait les voies, rue de Verrewinkel, à l'endroit du pont actuel). L'exploitation de la carrière s'arrêta dans les années 1960 avec la montée immobilière de la vallée de Saint-Job.

La briqueterie

Son activité se situe entre les années 30 et 50. L'exploitation est partie du bas, près de la sablière, et s'est déplacée de terrasse en terrasse vers le plateau jusqu'en haut de l'avenue Dolez. Les grandes dénivellations en sont les vestiges. Les briques étaient cuites dans d'immenses fours, véritables murs de briques, séparées par des couches de charbon. Des « Flandriens » venaient pour y travailler. Ils partaient avec deux sacs de ravitaillement pour la quinzaine: un devant, l'autre derrière. Ils vivaient dans les baraquements qui sont maintenant des abris pour chevaux.

Les cultures et l'élevage

Tout le long du trajet du chemin de fer, dans les années 20, les fermiers sans ressources et sans terres installèrent des cultures de trèfle pour leurs bêtes. Le coin des avenues Dolez et de la Chênaie était cultivé par un habitant de Drogenbos qui y produisait la chicorée destinée à la torréfaction ou à la production du chicon « Witloof ». Ensuite, l'horticulteur De Bue y planta un champ de tulipes. Puis, Hector cultiva la pomme de terre. Les potagers, qui pendant la guerre avaient occupé une grande partie du Kauwberg, se sont confinés aux endroits où on peut les voir maintenant: dans le bas de la carrière et le bas de l'avenue Dolez. A la différence du passé, ce ne sont plus uniquement les riverains qui les entretiennent, mais également des habitants du centre ville et des communes moins favorisées. Certains de ces potagers, cultivés de manière naturelle, ont une place qui leur revient dans l'écosystème du Kauwberg. Le ruissellement des eaux vers l'étang qui était situé dans le bas de l'avenue Dolez avait entraîné la formation d'une cressonnière fort appréciée. Actuellement des immeubles occupent cet emplacement.

Grâce à l'élevage, le reboisement spontané a été entravé en certains endroits et des prairies subsistent. La « prairie des vaches » est située en contrebas de l'avenue de la Chênaie: un fermier de Halle y fait paître son troupeau, chaque année à la bonne saison. Les autres prairies sont pâturées par des chevaux ou des poneys appartenant aux riverains. Amis de l'homme depuis les origines pour l'accompagner dans son travail, ses combats, ses loisirs, ils participent activement à l'histoire du Kauwberg.

Pastorale

Autrefois, un berger venu de la campagne environnante occupait plusieurs prairies du Kauwberg. Il ne reste que quelques ruines de l'ancienne bergerie, le long du chemin communal aboutissant dans l'avenue Dolez. Le passage de troupeaux jusqu'en 1983 a contribué notamment à la persistance de l'étendue de la grande prairie sur le haut du plateau. Maintenant, un fermier vient chaque année au mois de juin faucher et balotter les foins qui assurent le fourrage d'hiver pour les chevaux. Il y a peu, les moutons des riverains broutaient encore dans quelques-unes des prairies. Le pâturage intensif de mouton exige généralement des clôtures très denses, en « ursus ». Faute d'un entretien et d'une surveillance suffisante, les moutons se trouvaient dans la rue, et parfois même sur la voie ferrée. Par mesure de sécurité, ils ont du être expulsés. Ces moutons qui parcouraient le vallon de l'ancienne briqueterie donnaient au paysage un caractère particulièrement bucolique. . .

Activités de la gendarmerie

De 1984 à 1988, la gendarmerie a entretenu une piste d'entraînement avec obstacles pour ses chevaux. Un tremplin impressionnant (bergère) dominait la carrière. Des concours internationaux ont eu lieu avec les grandes écoles.

Ceux qui passent

Si pour la plupart, le Kauwberg est un lieu de promenade et de loisirs, il reste pour certains, surtout parmi les anciens de Saint-Job, un lieu de passage pour la « visite au cimetière » à l'un de leurs proches défunts à Verrewinkel, qui veut dire: « endroit qui est loin ».

Le Kauwberg possède à la fois ce pouvoir de nous ramener à nos racines et de nous emporter dans un avenir vivant.